Le porte-parole du tribunal de première instance de Tunis 1 et du pôle judiciaire économique et financier, Mohsen Dali, fait état de plusieurs irrégularités et infractions entachant la campagne électorale de 2019, précisant que le ministère public près le pôle a entamé, depuis les deux premières semaines de juillet, l’examen de plusieurs dossiers qui concernent le mouvement Ennahdha, Qalb Tounès et l’association «Aich Tounsi», en lien avec des contrats de lobbying.
Le constat est très frappant pour les principaux partis et le financement de leurs campagnes électorales en Tunisie. C’est ce qu’a confirmé, hier, le porte-parole du tribunal de première instance de Tunis 1 et du pôle judiciaire économique et financier, Mohsen Dali, dans des déclarations à la presse nationale.
Il a, dans ce sens, fait état de plusieurs irrégularités et infractions entachant les campagnes électorales de 2019, précisant que le ministère public près le pôle a entamé, depuis les deux premières semaines de juillet, l’examen de plusieurs dossiers qui concernent le mouvement Ennahdha, Qalb Tounès et l’association «Aich Tounsi», en lien avec des contrats de lobbying.
L’enquête entamée contre les trois acteurs concerne «l’obtention de financements étrangers pour la campagne électorale de 2019 et l’acceptation de fonds dont l’origine est inconnue.
Dans la même optique, une deuxième enquête a été ouverte, d’après la même source, contre l’Instance vérité et dignité (IVD) pour «suspicion de fraude, faux et usage de faux, obtention d’avantage indu et préjudice causé à l’administration en lien avec le contenu du rapport de l’IVD sur la Banque franco-tunisienne (BFT)». Et une troisième enquête a été entamée contre l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) pour « mauvaise gestion de fonds» durant la période de Chawki Tabib.
Quand la lourdeur et l’impunité font la règle…
Loin d’être un secret divulgué, les déclarations officielles de Mohsen Dali viennent donc confirmer le constat déjà établi par des évaluateurs tunisiens et internationaux, au lendemain du scrutin de 2019. Lequel constat a, à maintes reprises, laissé entendre et donné à lire que la formation politique née dudit scrutin n’était, pour une grande partie, que l’émanation d’une synarchie médiatique et financière.
En témoignent, entre autres, les conclusions du rapport final de la Mission internationale d’observation des élections en Tunisie.
«Les autorités électorales ont fait état de difficultés dans l’application de la réglementation sur le financement des campagnes. L’Isie et la Cour des comptes ne disposent pas de moyens suffisants pour garantir que toutes les dépenses électorales sont déclarées, que les informations sur les violations observées sont publiées en temps utile et que toute sanction imposée est appliquée en temps utile», lit-on dans ledit rapport datant de 2019.
Faisant état d’anomalies multiples, le même document attire l’attention sur la non-adéquation des délais d’examen des rapports financiers des candidats et des délais de jugement des éventuels cas de non-conformité. Un dysfonctionnement que confirme la Mission d’observation électorale de l’Union européenne dans son rapport y afférent.
Pour les Européens, bien que «le cadre juridique régissant le financement de la campagne législative se montre généralement conforme aux bonnes pratiques internationales», son application souffre néanmoins «d’un contrôle public déficient et de délais de traitement trop longs».
Que faire pour corriger la trajectoire ?
Il est un fait aujourd’hui. Bien des dérapages ont marqué les campagnes électorales de 2019, en l’absence de vrais mécanismes de contrôle. En ont pâti la marche d’un pays, le progrès d’une nation et la consolidation d’une démocratie naissante.
Ceux qui ont, alors, profité d’un système aux mille et une failles se sont discrédités et ont fini par s’installer dans le précipice.
Par contre, si l’on aime emprunter le même chemin que celui des peuples heureux, ceux qui ont réussi à se relever après la chute, on n’a qu’à faire notre mea culpa pour renaître de nos cendres.
Et pour renaître de nos cendres on doit, de l’avis d’évaluateurs internationaux, parer à la lourdeur, rompre avec l’impunité et la désinformation et impliquer davantage les journalistes et la société civile. Car la désinformation, l’impunité et les coups bas pleuvant ici et là risquent de provoquer des dégâts de grande ampleur, comme ceux que nous continuons de subir, quantum satis.
D’ailleurs, quand on apprend aujourd’hui que le mouvement Ennahdha a renouvelé le contrat qu’il avait signé en 2014 avec l’agence de communication Burson Cohn & Wolfe pour la campagne électorale de 2019. Puis que Nabil Karoui, président du parti Qalb Tounès, a signé un contrat avec la société de lobbying canadienne basée aux Etats-Unis. Et que Olfa Tarresse a, pour sa part, conclu un accord avec la société étrangère America to Africa Consulting en octobre 2019, on ne peut pas espérer une condition meilleure que la nôtre, l’actuelle.
Quand on apprend que seuls 15 partis sur 211 ont déposé leurs états financiers en 2018, soit à peine 7% des partis politiques.
Quand on fait état de 79 cas de violence verbale et physique à l’encontre de 76 journalistes mobilisés pour couvrir les élections dans 22 gouvernorats, on ne peut que s’attendre à l’effondrement de la réalité, de là, à une infantilisation du citoyen, à une danse macabre des fossoyeurs.